Une force sous-estimée qui nourrit solidarité et action

S’il y a une chose qui me bouleverse dans les ateliers que j’anime, c’est ce moment où surgit l’émerveillement. Ce moment où chacun découvre en soi un art de la parole vibrant de sincérité, de beauté, de vitalité.
Waouh.
La poésie du « je » nous révèle le « nous » — un nous vivant, mouvant, étonné de complicité. Et pourtant, je dois bien l’avouer : j’ai souvent peur de ne pas être prise au sérieux quand je parle d’émerveillement. Dans ce monde marqué par les replis identitaires, les extrémismes et les dialogues de sourds, que peut bien peser cette émotion subtile, souvent cantonnée à l’enfance ?

Quand Rob Hopkins parle d’émerveillement…

Puis j’ai lu Et si… (From What is to What if) de Rob Hopkins, pionnier de la transition écologique.
Et là, révélation.
Il y évoque une foule d’initiatives inspirantes qui transforment le monde — comme une forêt qui pousse en silence.
Et surtout, il conclut son ouvrage par un plaidoyer inattendu et puissant : réhabiliter l’émerveillement (awe, en anglais) et créer des espaces où il puisse fleurir au quotidien.
Pourquoi ? Parce que l’émerveillement est fertile.
Il nous sort de nous-même… pour mieux nous relier aux autres et au monde.

L’émerveillement peut être déclenché de multiples manières, que ce soit l’immersion dans une nature magnifique, une œuvre grandiose, un moment historique ou simplement la contemplation de la lumière dans les feuilles de l’automne.
Rob Hopkins cite les chercheurs Paul Piff et Dacher Keltner, qui ont montré que cette émotion favorise la solidarité, l’altruisme, la coopération. Selon eux, l’émerveillement repose sur deux composantes fondamentales :

  • Le sentiment de vaste : on ressent que quelque chose nous dépasse — que ce soit dans l’espace, le temps, la beauté, la compréhension ou la connexion.
  • Un réajustement de notre perception du monde : ce que nous venons de vivre élargit notre regard, remet nos repères en mouvement.

Et si cette émotion était l’un des raccourcis les plus puissants vers une transition intérieure… et collective ?

« Pour renverser les tendances socio-économiques et socio-politiques qui encouragent l’individualisme, le narcissisme et le matérialisme », Paul Piff met en avant « qu’il ferait plus sens d’encourager ces expériences d’émerveillement qui puissent servir de raccourcis vers les changements psychologiques que nous espérons générer vers plus de bonté, de générosité et de compassion. »

L’autolouange : un chemin quotidien vers l’émerveillement

Et là, une évidence s’est faite pour moi.
Depuis des années, j’explore l’autolouange comme un art de la parole sensible. Une manière de se dire en beau et en fort, de renouer avec sa force de vie. Et en lisant les mots de Hopkins, j’ai compris ce que je pressentais depuis longtemps :

Le partage autour de l’autolouange déclenche l’émerveillement, dans ses deux composantes :

  • D’abord, un « je » plus vaste.
    Quand je proclame mon « Je suis », je ne parle pas de mon ego.
    Je donne voix à quelque chose de plus large en moi : mes racines, mes élans, mes éléments intérieurs — le feu, l’eau, l’air, la terre… Je me découvre multiple, vivant, relié. Et ce « je » devient un « nous », un « nous-vivants », un « nous-humanité ».
  • L’autolouange génère aussi un réajustement de ma vision du monde.
    En me disant, je prends conscience que le monde entier palpite en moi. Et en écoutant l’autre, je reconnais mon humanité partagée. Ce que l’autre ose dire m’éclaire sur moi-même, m’élargit. Nous ajustons ensemble nos perceptions. Nous affinons notre manière de regarder le monde — avec plus de nuance, de justesse, de tendresse.

Cultiver l’émerveillement pour transformer le lien

L’autolouange, c’est un fil d’émerveillement déroulé entre soi et le monde. Un art ancien, humble, qui nous permet de retrouver la confiance, la joie, la dignité. Et surtout, de ressentir que nous faisons partie du vivant et d’une humanité poétique, vibrante, en mouvement.
Face aux défis de notre époque, il ne s’agit plus seulement de penser ou de débattre, il nous faut ressentir autrement.
Et l’autolouange, en créant ces espaces d’émerveillement et de lien, nous y invite.

Et vous ?
Qu’est-ce qui vous émerveille dans votre quotidien ?
Cultivez-vous consciemment des occasions de vous émerveiller ?
Quels espaces ou pratiques vous reconnectent à ce vaste « nous » ?
Avez-vous des espaces pour vivre l’émerveillement dans un collectif ?