Pour ce numéro, un partage d’expériences autour de l’écriture sur un moment très particulier : celui de la naissance de nos enfants.

Prendre le temps de trouver des mots sensibles pour dire ce qui frôle l’indicible, intégrer ce passage initiatique, en digérer toutes les intensités. Ce n’est certes pas un orage (comme le titre de ma newsletter!), mais certainement un tsunami qui nous emporte aux portes de la vie et de la mort.

💫 Quel récit en transmettons-nous ?

Dans mes ateliers « Écrire l’enfantement », chacune est invitée à laisser jaillir le récit-épopée de la naissance, en se connectant aux ressentis, aux émotions traversées, en osant accueillir et laisser jaillir les mots qui puissent s’approcher de ce miracle.

« Accompagner la naissance d’un enfant est notre chance la plus accessible de saisir le sens du mot miracle. » — Paul Carvel

Et s’il est bien un moment de l’existence où le recours à l’autolouange est infiniment juste et précieux pour trouver les mots à la hauteur de cette traversée, c’est celui de la naissance.

 

🌱 La naissance d’un élan d’écrire

Je suis tombée enceinte pendant ma formation en autolouange, un art de la parole qui nous connecte profondément à notre dignité et à notre créativité. Cette pratique m’a accompagnée tout au long des neuf mois, permettant une écoute fine et sensible, laissant une trace précieuse des sensations de joie et de connexion ainsi que des doutes traversés.

Cet exercice m’apaisait à chaque fois, car la grossesse a bien des aspects anxiogènes, et le suivi médical, selon la sensibilité de chacune, peut aussi accentuer certains stress. Avec ma pratique d’écriture, je pouvais me connecter en quelques secondes au miracle à l’œuvre, lâcher prise, cultiver la confiance, sourire à cette expérience unique et fondamentale que j’avais intensément désirée.

🕊️ En questionnant ma maman sur ma propre naissance, j’ai été déçue du peu de souvenirs qu’elle pouvait me partager. Ce qui restait, c’était surtout ce qui avait été difficile.

Par ailleurs, les femmes ont cette tendance à raconter leur propre accouchement à toute femme enceinte qu’elles croisent… et la plupart de ces récits m’ont plutôt effrayée !

Bien sûr, de ces partages se dégageait toujours le même « c’est extraordinaire à vivre »… Oui, mais moi, j’aurais aimé qu’on me raconte cet extraordinaire d’une manière qui me donne de la force et qui m’inspire. Quelques-unes m’en ont offert des bribes, merci à elles.

Alors, à mon tour, j’ai vécu l’accouchement — extraordinaire, effectivement. Et j’ai écrit son récit en poème pour le transmettre un jour à ma fille.

Chaque fois que je le relis, je me connecte à l’infini que j’ai frôlé en ce jour de sa naissance et des jours qui ont suivi.

Ces mots me rappellent le mystère qui m’habite, comme toute femme et tout homme, me donnent de la force pour les jours de disette, me mettent en gratitude.

 

Accompagner les femmes dans ce récit

Aujourd’hui, dans les ateliers « Écrire l’enfantement » (lancés au départ dans le cadre du festival Healing Poetry à Genève), je suis infiniment touchée par l’unicité de chaque récit, par l’intense beauté et l’amour que ces femmes mettent en mots. Par leur force par-delà tout ce qui a pu être difficile dans ce qui est parfois une véritable épopée.

Parfois, l’accouchement a eu lieu il y a plus de quinze, voire trente ans… Et, en plongeant dans la proposition et en y alliant des tremplins créatifs, ces récits nous ramènent à la vivacité de ce présent éternel.

 

🌾 Quelques fragments de récits

S. arrive énervée par son ado de 17 ans et replonge avec facilité, par l’écriture, dans les jours d’attente avant la naissance : à jardiner, à arroser ses tomates, à ressentir l’envie que le bébé reste au chaud du ventre à jamais, la peur de lâcher le contrôle… Tout un récit sensible en plusieurs actes, qui se termine par la victoire de cette naissance sur une lignée d’enfants morts-nés. Un texte d’une force époustouflante.

C. cherche à transcrire ce mouvement indicible quand elle a pu réceptionner son enfant dans ses mains et l’amener sur son sein, dans une vague qui lui fait penser au sentiment océanique :

« Nous sommes séparés et unis à jamais. Je suis le goût de ta tendresse, la lumière de ton être. Sentiment océanique, je suis ta mer et mon bassin était le fond. »

G. décrit pas à pas cette journée gravée dans sa chair et contacte, à sa grande surprise, une immense peur enfouie : celle du moment où son bébé prématuré est emmené avec son papa pour les premiers soins. Même si elle ne l’avait pas évoqué sur le papier, au moment de la lecture à voix haute, le souvenir a jailli à travers le corps. Laisser couler les larmes. Accueillir, sans jugement, tous les aspects de ce passage, au-delà de toute catégorie du « ça s’est bien » ou « ça s’est mal passé ».

A. arrive quelques jours après les neuf ans de son fils, jour où son beau-père vient de décéder. La vie et la mort s’entremêlent. Le dicton préféré de celui-ci était : « Tout est dans tout. »

« Nous sommes vie naissante couchés sur le fil du monde. Nous sommes câlin infini adoucissant l’univers. »

C. évoque l’ouragan, le chaos, la peur et l’arrivée de son enfant-dauphin :

I am the periphery of the hurricane, hanging onto whatever I can get my hands on to make it through each surge. I am a pause, the calm before the chaos, the welcome parentheses I needed before giving it my all. I am gripping hands — holding your daddy tight as I feel you coming closer and closer. I am there and you are there! A dolphin-like swift exit, eyes open, skin to skin, holding you so tight against my naked body, feeling the umbilical cord between my legs, staring at your father, muttering “jesteś kochanie.”

Alors que je les écoute et les regarde partager leurs textes à voix haute, je suis émue par tout ce dont elles rayonnent : leur sourire en lisant leur récit, la force, la fierté d’avoir traversé — parfois les émotions enfouies plus sombres qui remontent et prennent leur place à la lumière pour se transformer.

 

🕊️ Ce qu’elles en disent

Invariablement, je reçois ce feedback : Merci d’avoir créé cet espace.

Prendre une après-midi pour se replonger dans ce moment, le partager avec quelques femmes complices, repartir avec un récit précis qui sera transmis en temps voulu ou qui nourrira d’autres formes de partages.

💬 A : Je repars émerveillée par toute la richesse partagée et en gratitude de nous être offert ce cocon.

💬 C : Je suis touchée d’avoir pris ce temps autour du temps de l’anniversaire de mon fils, qui vient d’avoir 16 ans. Cela m’a refait sentir à quel point nous sommes unis et connectés. Ça m’a aussi connectée à ma propre mère, aujourd’hui décédée, et donné envie de continuer à écrire.

💬 G : Ce n’était pas prévu que ça sorte comme ça ! Je ne voyais pas trop l’intérêt de partager les textes à voix haute, et en fait, c’est là que ça a été très fort. Je me dis que ça va me permettre d’apaiser les aspects que j’avais refoulés ou minimisés.

💬 S : Pouvoir prendre réellement le temps d’écrire sans interruption a été précieux. Ça m’a permis de pouvoir dérouler complètement le fil. Je ne l’avais jamais raconté comme ça. Le faire en groupe rend la chose vraiment plus facile que toute seule. L’écoute, la justesse et la profondeur des échanges sont très nourrissantes.

Ces ateliers me rappellent à quel point écrire peut être un acte de transmission et de transformation.

❤️ Et vous,

avez-vous pris le temps de laisser une trace écrite de la naissance de votre ou de vos enfants ?

Si ces lignes résonnent pour vous, si un récit de naissance sommeille encore dans votre cœur, peut-être est-il temps de lui donner voix : prendre quelques heures pour vous , prendre du papier et un stylo, et laisser émerger la richesse de ce que vous avez traversé.

Il n’y a pas forcément besoin de plus.

🌿 Et si vous désirez être accompagné·e, les prochains ateliers « Écrire l’enfantement » auront lieu à Genève, en petit groupe de 3 à 4 personnes, dans la douceur et la confiance.

📝 J’ai créé un petit questionnaire (Google Form) pour vous y inscrire ou pour me faire part de vos envies et préférences. Vous pouvez me contacter si vous souhaitez être informée des prochaines dates ou réunir quelques amies pour un atelier sur mesure. Ce sera pour moi un honneur et une grande joie.

J’aime penser que raconter la naissance, c’est honorer la vie qui nous traverse, celle que nous donnons et celle que nous recevons, quelle que soit la forme que ce chemin ait pris. Prenons soin de ces récits. 🌸